Océanisation et modélisation
Up to Réflexion autour de la modélisation et de sa mise en œuvre dans nos classes.…
Dans quelles conditions l'hypothèse explicative d'un écartement de deux plaques comme processus de formation d'un océan peut-elle être testée par une modélisation dont les objets seraient le sable et deux feuilles de papier ?
Une description critique d'une séance comportant une modélisation
L'hypothèse de l'écartement de deux plaques lithosphériques comme processus de formation d'un océan peut sans doute être testée par une modélisation dont les objets seraient le sable et deux feuilles de papier, mais il n'est pas souhaitable de se contenter de fournir les objets (sable, feuilles de papier) aux élèves en les invitant à réaliser un mouvement d'écartement tel que suggéré dans l'hypothèse avancé. On ne peut pas non plus, si les élèves parviennent à savoir ou à comprendre que les deux feuilles représentent les deux masses continentales, se contenter de l'échange suivant : E : "Où je mets le sable ?" ; P : "sur les feuilles" ; E : "et après, Monsieur ?"; P : "tu tires". Enfin cette courte séquence ne peut se terminer par "voir si le modèle ressemble à la réalité" et distribuer pour ce faire un document représentant une photographie d'un fond océanique avec deux questions successives l'une invitant l'élève à dire s'il obtient bien le relief observable sur la photographie et l'autre à écrire ce qui se passe lorsqu'il continue à tirer.
Pourquoi cette critique d'une façon de faire ?
Un peu brutalement, car la formation scientifique est ici quasi-inexistante voire contreproductive. En effet, il ne s'agit pas d'un test d'une hypothèse comme elle devrait se pratiquer avec la rigueur logique du scientifique qui cherche. Il s'agit d'une manipulation explicative consistant à montrer une concordance de résultats entre la réalité et le modèle. Typiquement ce que nous propose l'émission "C'est pas sorcier !". Elle ne permet donc pas de pratiquer des sciences et ainsi, à l'élève, de s'approprier la démarche scientifique et ses rouages. Il en est de même du questionnement portant sur le document distribué. L'élève en y répondant ne fait pas des sciences. Il compare puis manipule mais ne cherche pas à expliquer une observation de terrain, ni à tester, encore une fois, une hypothèse avancée. Au final il aura acquis un résultat des sciences, la connaissance de l'écartement de deux plaques lithosphériques comme premier niveau explicatif de l'océanisation - bien que rien ne permette de garantir qu'il puisse l'utiliser comme savoir explicatif - mais il n'aura pas acquis de connaissances sur la façon dont les sciences produisent de nouveaux savoirs et par conséquent il sera dans l'incapacité, lui-même, de posséder une posture scientifique productrice de savoirs. Or l'enseignement scientifique a aussi cet objectif.
Pourquoi cette difficulté professionnelle ?
J'avance deux hypothèses imbriquées : la première est que trop formé aux résultats des sciences par une Université qui déverse de la connaissance nous ne nous intéressons pas à la construction de ce savoir scientifique. C'est-à-dire à l'épistémologie des sciences. Nous éprouvons donc des difficultés à l'enseigner. La seconde qui découle de la première est que, dans ce contexte de déficit de "conscience" épistémologique, le souci de pédagogie, c'est-à-dire le souci de faire passer au mieux les savoirs scientifiques, résultats et démarches, devient paradoxalement contreproductif par notre impossibilité à mettre en place des démarches didactiques, c'est-à-dire à tenir compte des difficultés de transmission propres aux savoirs scientifiques liées aux caractéristiques de leur construction.
Comment aurait-il été alors judicieux de conduire son enseignement une fois l'hypothèse émise ?
Une proposition d'une démarche dont j'identifie des étapes pour mieux l'exprimer :
1/Solliciter les élèves afin qu'ils proposent une façon de tester l'hypothèse en constatant au final de l'échange entre eux que l'expérimentation par un modèle pouvait être retenue
2/Modélisation retenue à condition :
1/ d'être le plus fidèle possible à la réalité…et ainsi déterminer ce qu'il faudrait comme objet pour constituer le modèle et comment le faire fonctionner
2/ de se donner un indicateur repéré sur la réalité qui pourrait être recherché une fois la modélisation réalisée…par exemple l'état du fond océanique.
3/ de réaliser la modélisation et d'observer puis comparer. Les questions des élèves au professeur peuvent être, dans ces conditions définies en 1 et 2, renvoyées à leur réflexion. Une réflexion féconde pour la construction de leur pensée scientifique.
4/ de réaliser une trace écrite de cette activité scientifique
-Un schéma du modèle en précisant les correspondances objets/ réalités
-Un écrit de conclusion permettant de relier les résultats du modèle virtuel à la conclusion portant sur l'hypothèse formulée au regard de la réalité.
Il n'est pas question pour moi, ici, de dire que c'est facile, ça ne l'est pas pour des raisons qui tiennent à la fois à nos formations universitaire et professionnelle (IUFM), mais simplement de donner quelques pistes de réflexions pour construire des compétences professionnelles permettant d'enseigner les sciences. Des compétences que l'utilisation de modèles a pour caractéristiques de mettre vraiment à rude épreuve en révélant nos fragilités. D'où l'intérêt de discuter sur l'utilisation des modèles dans nos classes : pour faire vraiment des sciences. Repérer les difficultés rencontrées, mais aussi les réussites et ainsi identifier des postures professionnelles facilitantes, sans vouloir me répéter, voilà ce que je vous propose d'échanger, d'analyser et de réfléchir sans juger.
une première remarque ;

une seconde, plus sur le fond, à propos du type de savoir choisi pour passer à la modélisation.
Tu ne sembles a aucun moment douter que ce sujet se prête à la modélisation… Je pense moi que c'est probablement un de ceux qui ne peut se transmettre que dogmatiquement.
Il a fallu tout de même 15 ans pour que la recherche en Géologie parviennent à convaincre …… !! j'ai eu cette discussion déjà avec Eric Auboin, il me semble que pour des raisons d'échelles (Plaques) et de temps (Océanisation) la situation en classe ne peut pas induire ce qu'on recherche "je propose, je teste, je vérifie"
L'ouverture océanique est liée à un point triple et donc à une contrainte qui vient de l'anomalie thermique ……… le faire trouver tout seul …… ??. … L'Océanisation est une conséquence d'un phénomène beaucoup plus complexe …
Sur ce sujet en PS je pratique avec une feuille et un stylo avec capuchon …………





Voilà en espérant que ce fil se poursuive,

à plus
Eric.
une dernnière tentative
à comparer avec cet extrait de you tube (secteur de la video "Erta Ale")
désolé.
Eric
Bonjour à tous,
Avec un peu de retard…Merci Eric pour ce débat que tu ouvres. Celui sur la modélisation de l'océanisation. Que la modélisation ne puisse prendre en compte l'ensemble des paramètres (échelles, temps… de l'océanisation je suis tout a fait d'accord. Mais que pour cette raison, en classe de 4ème, mais aussi en classe de 1ère S, il ne faille pas l'utiliser lorsqu'il est question d'océanisation je ne suis pas sûr de partager ton point de vue.
D'abord parce que la complexité de ce phénomène n'est pas du ressort de nos programmes. En 4ème (classe concernée ici), seul est à connaître l'existence de plaques mobiles les unes par rapport aux autres dont les mouvements transforment la surface du globe. Dans ces conditions il me semble qu'une modélisation pourrait être menée afin de valider l'idée d'un écartement des plaques au niveau de la dorsale par le repérage de structures tectoniques similaires repérées dans la réalité et sur le modèle. Ceci en particulier lors des tous premiers temps de l'océanisation.
Ensuite parce que l'objectif ici n'est pas seulement de former les élèves aux résultats des sciences à savoir la connaissance de l'existence de plaques mobiles ayant des incidences sur les reliefs, mais il est aussi de les former aux démarches menés par les scientifiques pour expliquer des observations et comprendre des phénomènes. La démarche modélisante en est ainsi une qui peut-être déployée ici. Cette démarche peut être d'ailleurs d'autant plus intéressante que l'écart entre le modèle et la réalité est grand. C'est aussi cet écart qui permet de repérer que la démarche scientifique est celle du doute.
Autrement dit s'il s'agit de reproduire au plus près une réalité par un modèle, cette modélisation pour exprimer l'océanisation est évidemment très peu pertinente mais s'il s'agit de former aussi l'élève aux démarches du scientifique elle a toute sa valeur.
Que cet échange permette aux différents membres du groupe de percevoir ce que peut apporter l'outil numérique pour partager et discuter des pratiques professionnelles, afin que tous contribuent activement à alimenter cet espace numérique de travail…sans doute plus en temps réel que la réponse que j'avance 3 semaines après la contribution d'Eric
Amitiés
Yves
Le temps pour les réponses importe peu , de mon point de vue, c'est tout l'intérêt d'un forum. Il existe tant qu'il est ouvert.
Le problème posé par l'impossibilité de retoucher les réponses que nous faisons, devrait être réglé dès que Gérard aura retrouvé du temps pour nous aider.
Pour te répondre, je ne conçois toujours pas qu'on envisage d'enseigner sans aller au bout des choses, dans le cas précis, quand on sait comment d'autres enseignements simplifient ces notions (nature du manteau en Géographie par exemple), en imaginant que la mobilité serait de nature à éveiller la conscience scientifique d'élèves de 4 eme… Je crains de voir se reproduire sur ce sujet les incohérences vécues encore au jour le jour en ce moment en Terminale avec la notion de chromosome "simplifiée" au collège.……et jamais corrigée malgré les efforts de tous les collègues pour 40 % des élèves.
Le temps parlera pour nous, revenons lire ce forum dans 4 ans

Illustrer dans le cas présent que le modèle ne peut confirmer l'observation quand on ouvre un espace





A vouloir mimer Wegener sans le dire …… (symétrie reportée à la dorsale au lieu d'être constatée aux frontières des marges passives), on continuera à maintenir des notions qui ne sont que des "erreurs" d'interprétation (ce sont pas les continents qui s'écartent !! mais des plaques mixtes qui se contruisent) Constructives au moment où elles ont été formulées car génératrices de réflexion, au sein du monde scientifique, je ne parviens pas à me convaincre qu'elles seraient idéales pour faire naître une perception de la démarche scientifique dans l'esprit d'un élève qui est encore neuf, mais pas exempt de représentations initiales très fausses (le manteau est fondu car il est chaud

Montrer en 4 eme qu'un affleurement témoigne d'un événement passé et que cet événement obéit à des règles encore applicables aujourd'hui, granoclassement gravitaire par exemple, me semble tout aussi futé pour débattre de la démarche … certes l'échelle est moins vendeuse, et Google Earth bien moins utile

Modéliser et faire jaillir une réflexion est l'objectif, je ne me sens pas capable en l'état actuel de mon expérience de le faire sur l'océanisation. Tout juste parfois je tente un truc sur les failles transformantes et sur l'absorption de la déformation qu'elles permettent. Mais j'espère que les exemples placés ici par mes collègues contribueront à me faire changer d'avis.
à plus
Eric.